L’intelligence artificielle est déjà au collège !
Je viens de donner des cours en intelligence artificielle à des jeunes collégiens de 13 à 17 ans dans un collège. Pourtant c’était contre mes convictions de former des collégiens. Je vous explique.
Mais avant de commencer, voici un récap de cette quizaine :
Comme beaucoup, j’ai fait un passage sur Vivatech, avec des rencontres et des innovations intéressantes. J’aurai aimé voir plus de robots impressionnants, ce sera peut être pour l’année prochaine.
Une formation sur l’IA générative donnée pour les Premières à des entreprneures qui montent leur projet. Elles ont trouvé plein de cas d’usage des outils d’IA qui vont leur permettre d’avancer plus vite sur certains sujets.
3 sessions de formations données chez Samsung sur l’IA générative dans le marketing grâce aux AI sisters.
Le passage de certification des mes étudiants en master 2 de l’EMLV en DMDA pour la partie Drive to Store.
Un hackathon sur l’IA avec des collègiens qui m’ont inspiré cette newsletter.
Une matinale sur le thème de l’IA et l’éthique passionnante, organisée par l’association Les Communiquants.
Bienvenue dans cette 93 ème édition de la newsletter d’Elodie Chenol. Nous sommes désormais 1157. Que vous soyez les premiers à me suivre ou que vous veniez de me découvrir, merci de me lire 🫶🫶🫶 !
Si ce n’est pas déjà fait, vous pouvez :
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Pourquoi je ne voulais pas former des collègiens ? Parce que je trouvais qu’ils étaient trop jeunes. J’ai 3 filles de 6, 10 et 16 ans et je trouvais que mettre dans les mains des trop jeunes des outils d’IA, c’était trop tôt et que cela enlèverait leur notion d’esprit critique et qu’ils choisiraient la facilité sans chercher à comprendre. J’ai d’ailleurs eu des débats super intéressants sur le sujet.
Mais le hasard faisant bien les choses pour me chahuter dans mes idées reçues, une amie me propose une mission courte au format hackathon. Je comprends que c’est pour un lycée et j’accepte, notamment parce que je donne des cours à des bachelor et Master sur le sujet et que je voulais avoir le point de vue des lycéens. Sauf qu’en fait, c’était un collège ! 😱
Et là toutes mes idées reçues en volé en éclats !
Ils sont trop jeunes
Ils ne doivent pas trop utiliser les outils d’IA
Ils ne vont pas comprendre
Et j’avais tout faux !
Dans mon groupe (30 collégiens), ils utilisaient déjà tous ChatGPT, Perplexity, Claude et j’ai même eu droit à du Mistral. Ils avaient entendu parler d’autres IA mais ne les avaient pas forcément utilisé.
C’est d’ailleurs ce que révèle également les études sur ce sujet.
Une adoption fulgurante chez les étudiants
En 2024, près de 99 % des étudiants français déclarent utiliser une IA générative comme ChatGPT, Claude ou Midjourney, et 92 % l’utilisent régulièrement – une pratique quotidienne pour un tiers d’entre eux.
Largement répandus, ces outils sont employés pour :
rédiger ou corriger des textes (essais, exposés, mails) ;
soutenir les révisions et préparer les examens ;
résumer des cours ou traduire des documents ;
ou s’entraîner à l’oral.
ChatGPT reste l’outil préféré, utilisé par 88 % des étudiants, suivi de près par des générateurs d’images comme Midjourney (24 %). Une part non négligeable (30 %) paie même pour des versions premium.
S’ils utilisent régulièrement les outils d’IA, les collégiens ont quelques notions de prompting mais elles sont très légères. C’est là que la formation est importante pour obtenir de meilleur résultat.
Je leur ai donné les bases d’un bon prompt : Contexte, Rôle, Objectif et Format, pour obtenir des résultats de meilleurs qualités.
Une perception ambivalente : entre enthousiasme et inquiétudes
Si les IA sont vues comme des leviers d’efficacité, elles ne sont pas sans susciter des craintes. Voici ce que révèle l’enquête croisée avec les analyses du ministère :
✅ Ce que les étudiants aiment
Gain de temps : 83 % notent une amélioration de leur productivité.
Meilleure compréhension : les IA sont perçues comme des aides à la clarification.
Soutien à l’autonomie : un apprentissage plus personnalisé, plus dynamique.
❌ Ce qui les inquiète
Erreur et désinformation : près de 60 % reconnaissent les risques de réponses incorrectes.
Dépendance et perte de réflexion : 48 % estiment ne pas être bien préparés à l’autonomie intellectuelle sans IA.
Questions éthiques : manipulation, plagiat, violation de données personnelles, travail des “click workers” ou encore impact environnemental (une réponse IA peut consommer 10x plus d’énergie qu’une simple recherche web).
Dans mon collège, le point éthique était plus léger mais la conscience de la désinformation et de l’impact environnemental était bien ancrés.
Une réponse institutionnelle : le cadre national publié en juin 2025
Le ministère de l’Éducation nationale a publié un cadre d’usage de l’IA en éducation, fruit d’une consultation de janvier–mai 2025. Il vise à concilier les opportunités pédagogiques avec les exigences éthiques, juridiques et environnementales.
Les principes fondamentaux
Liberté pédagogique préservée, mais usage encadré ;
Respect du RGPD : aucune donnée personnelle ne doit être saisie dans les IA grand public ;
Priorité aux solutions libres et frugales (écologiquement moins coûteuses) ;
Transparence dans les décisions prises avec l’appui de l’IA.
Pour les enseignants
Formation continue encouragée (Moocs, parcours Magistère, etc.) ;
IA autorisée pour les préparations, corrections, différenciation pédagogique ;
Vérification obligatoire des contenus produits.
Pour les élèves
Sensibilisation dès le primaire, usage pédagogique autorisé à partir de la classe de 4e ;
Utilisation libre possible au lycée, dans un cadre pédagogique défini ;
Toute utilisation pour un devoir sans autorisation explicite = fraude.
Mon constat est que les jeunes sont déjà très avancés sur les outils d’IA. Ils maîtrisent déjà plusieurs outils, ils comprennent les « mécanismes » des outils. En revanche, ils ont besoin de regard critique sur les retours des outils d’IA car ils sont beaucoup sur l’effet Wouah (ou lapin dans les phares) et c’est normal, ils sont très jeunes.
Le souci, aussi, est qu’ils sont beaucoup plus avancés que leurs professeurs ! Mes échanges ont montré que les formations pour les enseignants étaient légères car il ne fallait pas leur prendre trop de temps. 2 à 3 heures c’est vraiment peu, notamment pour une population qui n’a pas nécessairement d’appétence pour la tech.
L’accompagnement pédagogique et technologique est vraiment important pour appréhender au mieux les enjeux de l’IA générative.
L’école a un rôle central dans l’éducation à l’usage de l’IA !
Accompagner les collégiens à comprendre, à utiliser l’IA comme un outil et pas comme un remplaçant.
Apprendre comme fonctionne les outils probabilistes.
Apprendre à prendre du recul.
Apprendre à vérifier et challenger les réponses des outils.
Apprendre à réfléchir avant de dégainer l’IA
Apprendre à réfléchir en collaboration avec les outils d’IA pour brainsormer sur un projet
Apprendre à être créatif avec les outils d’IA
Il y a encore tellement de choses à leur apprendre ! et ils vont vite, très vite. Ne perdons pas de temps pour leur donner les clés.
J’ai fait découvrir Suno pour créer des chansons et Gamma pour générer des sites internet à mes collégiens. Ces découvertes leur ont mis des étoiles dans les yeux et ouvert le champs des possibles. Et ils n’ont pas lésiné sur leurs efforts avant d’obtenir le résultat qui leur donneraient satisfaction ! Au moins 20 essais pour la bonne chanson sur Suno, et au moins 3 essais pour un site internet avec des comparaisons entre plusieurs outils.
C’est ça les outils d’IA : des essais, du test and learn, du feedback. Ils sont très jeunes mais ils l’ont bien compris !
Le résultat de ce hackathon était impressionnant pour les livrables :
Un site web cliquable avec Gamma
Un jeu éducatif crée avec Bolt
Une chanson de Rap éducative avec Suno
L’affiche d’un concept innovant avec Canva
Les jeunes ont une grande soif d’apprendre !
Des espoirs pour le futur professionnel
Les étudiants perçoivent l’IA comme un atout pour l’emploi :
92 % pensent qu’ils travailleront dans un univers où l’IA est omniprésente ;
65 % considèrent la disponibilité d’outils d’IA comme un critère pour choisir leur futur employeur ;
Ils souhaitent des formations concrètes : 76 % n’ont encore reçu aucune initiation formelle.
Ces jeunes m’ont bouleversée par leur niveau de connaissance et de compréhension et par leur facilité d'usage des outils l'intelligence artificielle générative.
Le présent est dans leurs mains avec l’IA. Les études et le gouvernement vont en ce sens.
Cette expérience a bouleversé mes idées reçues et les jeunes ne nous ont pas attendus pour avancer.
Vers une culture scolaire augmentée
L’intelligence artificielle transforme déjà les pratiques d’enseignement et d’apprentissage. Mais cette révolution, pour être bénéfique, doit être accompagnée, pensée, discutée. L’École ne peut pas se contenter de subir ou d’interdire : elle doit former, cadrer et faire réfléchir. L’IA n’est ni un miracle, ni une menace — c’est un outil. Et comme tout outil puissant, il exige responsabilité, discernement… et esprit critique.
Ne tardez plus à vous former sur l’IA, c’est une nécessité aujourd’hui, plus une option.
À très bientôt,
Elodie